« Nous passons aux présentations des travaux des élèves. Ils vont me montrer ce qu’ils ont travaillé avec Katell Stephan, leur prof de français-théâtre : des exercices de théâtre, et plus récemment des exercices liés à la science – d’autant qu’ils ont déjà passé un temps dans la classe de bio de Rachel Viot (qui est venue pour cette séance en classe de français).
Ce groupe me plaît bien. C’est un principe de base quand on commence une aventure avec un groupe : essayer de le trouver sympatique, lui trouver ses qualités propres, tout de suite se positionner dans un «avec» plutôt qu’en «contre». Ceux-ci sont particulièrement vifs, curieux, motivés : au moins la moitié d’entre eux lève la main pour passer en premier.
Les mises en jeu qu’ils nous montrent sont à la frontière du sketch et du théâtre. C’est visiblement un enjeu dont ils ont déjà débattu avec Katell. En fait, au minimum trois types de théâtre apparaissent dans ce préfabriqué :
– une envie de stand up, paroles adressées au public sans passer par la médiation de la fiction. Katell a interdit ce type de théâtre pour l’instant.
– une envie de sketch, parfois confondue avec l’envie de stand up. Il s’agit de l’envie de jouer trop fort (qui passe souvent par l’envie de «faire le bourré»), de faire des blagues. Dans au moins cinq passages sur les dix qui me sont présentés on voit des chutes, des personnages qui sa vautrent en rentrant dans la salle, qui se cognent, qui titubent et s’écroulent, même si cela n’a rien à voir avec la fiction esquissée.
– des formes plus traditionnelles, avec un quatrième mur à peu près solide.
Ce que je trouve beau, dans ces propositions théâtrales, c’est que s’y dessinent de grandes orientations inconscientes, et aussi de très claires oppositions esthétiques présentes dans le milieu que je connais. Tout cela est trouble, pas complètement affirmé, mais cela donne un ensemble très vivant, très actuel, finalement.
Le théâtre est multiple, et on admire en France en ce moment aussi bien des textes montés avec la plus grande rigueur que des spectacles foutraques, sans dramaturgie, où seul compte l’immédiateté, le génie de l’interprète. On vante le mérite des écoles de théâtre ou de danse, mais on apprécie des spectacles où les interprètes «abandonnent leur savoir». On veut de l’intelligence mais aussi de l’idiotie. Tout cela, qui fait qu’un regard de spectateur contemporain accepte sa propre fragilité face aux catégories, les scories, les débordements, les différents niveaux de jeu, les qualités de présences très variables, tout est présent dans notre préfabriqué. »