« C’est un moment dont j’avais gardé un grand souvenir, presque physique, depuis que j’étais intervenu il y a deux ans. Nous sommes à la porte du préfabriqué qui sert de classe à Katell Stephan. Il y a deux classes ainsi collées l’une à l’autre, construites dans des matériaux provisoires, armatures de métal, tôles, sols de bois contreplaqué, le tout posé à même le goudron. Ce «bâtiment» est celui devant lequel passe le visiteur avant de rentrer dans le collège Camille Guérin proprement dit.
Avec Katell, nous discutons devant la porte, et elle propose donc aux élèves – ils seront 28 cette année – de préparer la classe, c’est-à-dire de la mettre en mode théâtre, c’est-à-dire de passer d’une organisation spatiale où les tables sont regroupées par deux avec quatre chaises autour à une autre organisation, où toutes les tables sont massées vers le fond, et les chaises empilées. C’est un mobilier scolaire standard, plutôt confortable : tables et chaises avec armatures lourdes et solides en fer peint (en jaune) et plateaux en bois ou contreplaqué.
Les 28 élèves se mettent donc à traîner les tables, heurter les chaises, empiler, crier, s’interpeler, déplacer leurs affaires, cogner le mobilier. Dans ce préfabriqué de tôle et d’éclairage au néon, le résultat est littéralement assourdissant. C’est encore plus fort que dans mon souvenir. Les élèves, eux, ont l’air heureux. Et je révise cette évidence pourtant vérifiée de nombreuses fois : on vit beaucoup mieux le bruit que l’on fait que celui qu’on subit sans y participer. »