Ce matin, les élèves de 4ème du collège François Truffaut de Betton retrouvent Bruce, de la compagnie Flowcus, au Garage, un lieu dédié à la création chorégraphique (CCNRB).
Les 4èmes sont privilégiés : ils vont assister, en avant-première, à une répétition d’un spectacle en cours de création. Bruce, chorégraphe, accompagné de 4 autres danseurs, sont en résidence au Garage pour créer un spectacle qui sera présenté dans un an. C’est le tout début du projet. Le début de la pâte, une pâte à pétrir, à faire grossir en y ajoutant de nouveaux éléments jusqu’au spectacle final.
Ce début de journée est aussi l’occasion de débriefer tous ensemble sur le spectacle Corps extrêmes de Rachid Ouramdane, auquel ont assisté les élèves. Beaucoup ont aimé ; d’autres ont trouvé ça long, répétitif. Certains n’ont pas accroché avec la musique, pas adaptée pour eux. Mais tous ont été surpris par la fluidité, le silence, la sensibilité dans les mouvements.
Bruce, danseur depuis plus de 20 ans, pose des mots sur ces ressentis. Pour lui, c’est rare de tout aimer dans la danse. Pour les danseurs, leur discipline devient un besoin, une nécessité de réinvestir les corps face un monde qui devient de plus en plus sédentaire, derrière les écrans… La danse est là pour donner de nouveaux éléments au public ; l’émotion vient de quelque chose de nouveau d’où l’idée de créer des zones d’ambiguïté pour nourrir les réflexions. Un spectacle est là pour nous interroger sur nos pratiques, nos peurs, nos acquis…
Bruce rejoint la façon de travailler du chorégraphe Rachid Ouramdane, l’idée de créer ensemble, avec la sensibilité et les spécificités de chacun. Un travail collectif, sans leader, à l’image des murmurations, ces nuages d’oiseaux qui se rassemblent par centaines et semblent fonctionner comme un seul organisme.
Pour Bruce, un danseur chemine, met en forme des choses. A l’image d’un bonsaï. L’idée du bonsaï est de miniaturiser un arbre tout en le façonnant, en respectant ces cassures, les intempéries qu’un arbre peut subir… Une branche morte fait partie d’un processus, comme une idée avortée dans un projet de création.
Le bonsaï, et la philosophie qui va avec, fait d’ailleurs partie intégrante du projet chorégraphique de Bruce. Dans la culture occidentale, on veut comprendre avant de faire, sans prendre le temps qu’il faut. En Asie, on fait pour finir par comprendre, à force de répétitions.
Et maintenant, place aux danseurs !
Après quelques minutes de discussion, chaque danseur prend son bonsaï et le spectacle commence. Le bonsaï permet aux danseurs de se créer un imaginaire. Les tableaux s’enchainent, seul ou à plusieurs, les danseurs évoluent avec lenteur, à l’opposition de la vitesse du quotidien. Les corps s’enracinent les uns avec les autres, ce qui fait ressortir les corps noueux qu’on retrouve aussi dans le bonsaï.
Les élèves assistent au travail d’un jour, avec toute sa fragilité. Certains mouvements sont improvisés. Il faut s’adapter, un peu contraint par le mouvement précédent. L’improvisation n’est pas sans conséquence sur le mouvement du groupe. Mais la bienveillance, les jeux de regards, le temps font que chacun trouvera sa place. Comme dans la nature, le temps résout tout.
Anaïs Pellegrin, Espace des sciences, Rennes